Un triste secteur du centre-ville de Gatineau bientôt transformé
Par Mathieu Bélanger, Le Droit17 février 2025 à 04h00
Un triste tronçon des rues Kent et Laval où les maisons placardées se sont ajoutées les unes aux autres au cours des dernières années, à proximité du cœur ludique du centre-ville de Gatineau, pourrait bientôt faire l’objet d’un développement résidentiel de près d’une centaine de nouveaux logements.
«Je sais que les gens sont tannés de voir ces maisons abandonnées, mais moi aussi je suis tanné de les voir et j’ai hâte de pouvoir lancer la construction de mon projet», a affirmé au Droit Denis Ouellette, le président de la firme Boless, vendredi dernier.
Le promoteur caresse ce projet immobilier depuis plus de 10 ans. Il a fait la première acquisition en prévision de sa réalisation en 2007. Il a cependant été en mesure de compléter l’assemblage de tous les lots nécessaires seulement l’an dernier.
Entre-temps, il a dû faire face à des avis d’infraction de la Ville quant à l’entretien des immeubles acquis au fil du temps. Ces avis ont d’ailleurs été contestés par l’entrepreneur et les tribunaux lui ont donné raison.
Des citoyens se sont aussi opposés aux premières moutures du projet, notamment en raison de la perte de valeur patrimoniale qu’il engendrait. Cela a forcé M. Ouellette à faire un pas de recul pour entreprendre, dans les derniers mois, un dialogue avec les citoyens et le service de l’urbanisme pour bonifier son projet.
Il en résulte aujourd’hui quelque chose qui, croit-il, est en mesure d’obtenir la faveur des uns et des autres. Une rencontre à ce sujet est d’ailleurs prévue dans quelques jours avec le service de l’urbanisme de la Ville de Gatineau.
Boless propose de démolir les neuf maisons placardées des rues Kent et Laval, mais de conserver la façade de celle située au 35-37 rue Kent, dont la valeur patrimoniale a été jugée «forte» par la Ville. Elle sera intégrée à l’un des deux immeubles de six étages qu’il souhaite construire à la place.
«Le projet compte 96 logements d’une ou deux chambres et un stationnement intérieur, précise-t-il. Ça va vraiment venir revaloriser ce secteur et aider à densifier de manière douce le centre-ville.»
Le président de l’Association des résidents de l’Île-de-Hull (ARIH), Daniel Cayley-Daoust, est pour sa part d’avis que le promoteur a «encore du travail à faire» pour rendre son projet acceptable aux yeux de son organisation.
«Il faut mieux valoriser le patrimoine, réduire les hauteurs ou minimiser leur impact avec des basilaires pour verdier le pourtour», mentionne-t-il au Droit.
L’exemple d’une nouvelle relation
La présidente du comité consultatif d’urbanisme (CCU), Caroline Murray, précise ne pas avoir vu les plus récents plans de Boless, mais n’hésite pas à citer le projet en exemple comme l’objectif à atteindre dans la nouvelle relation que souhaite avoir la Ville de Gatineau avec les entrepreneurs immobiliers sur son territoire. Dans ce cas précis, la nouvelle approche est cependant arrivée sur le tard.«On souhaite faire connaitre plus rapidement dans le processus nos attentes et celles des citoyens aux promoteurs, explique-t-elle. De cette façon, s’il y a des enjeux de préservation avec une maison, ou que le projet n’est pas aligné avec la vision de la Ville pour un secteur, on peut mieux travailler à trouver un terrain d’entente acceptable pour le promoteur, la Ville et les citoyens, sans devoir faire travailler tout le monde pour rien. Ce sera un des rôles de la nouvelle cellule facilitatrice annoncée par la mairesse le mois dernier.»
Cette nouvelle façon de fonctionner pourrait aussi éviter à des entrepreneurs de se retrouver sous le coup d’avis d’infraction pour des maisons à l’abandon pendant qu’ils complètent des acquisitions dans le but de remembrer des lots pour réaliser un projet immobilier.
Le cas de Boless, sur les rues Kent et Laval est aussi un bon exemple à ce chapitre, note Mme Murray.
«Si on peut avoir un dialogue dès le départ avec les promoteurs qui ont des projets, qu’on peut être plus précis sur nos échéanciers et notre vision, peut-être qu’ils pourront parfois conserver les locataires des immeubles à démolir plus longtemps et garder les propriétés en meilleur état en attendant la mise en chantier du projet.»
Une centaine d’avis d’infraction
Par ailleurs, la Ville de Gatineau a resserré sa réglementation quant à l’entretien et à la salubrité des bâtiments en 2023 afin de lutter plus efficacement contre cette tendance à la hausse observée sur tout le territoire où des propriétés étaient volontairement abandonnées afin de justifier ultérieurement leur démolition.De fait, le mot d’ordre a depuis été donné aux inspecteurs de la Ville d’être plus actifs sur le terrain et d’être plus attentifs à cette problématique.
Des données obtenues du service de l’urbanisme par le citoyen Bill Clennett révèlent que 322 inspections ont été réalisées depuis l’automne 2022.
Une centaine de dossiers sont toujours en suspens et 57 ont permis des corrections de la part des propriétaires visés.
«L’objectif n’est pas de donner des avis d’infractions, c’est d’abord de réussir à s’entendre avec le propriétaire, explique Mme Murray. L’avis d’infraction est le dernier outil à notre disposition quand le dossier ne se règle pas. Le problème avec les infractions c’est qu’elles sont souvent contestées. Ça devient judiciarisé et le processus peut être très long. Ce n’est pas l’idéal pour protéger un bâtiment.»
En ayant des inspecteurs plus actifs sur le territoire, la Ville souhaite être en mesure d’agir plus rapidement lorsqu’un propriétaire contrevient au règlement sur l’entretien et la salubrité des bâtiments.
«On peut mieux aviser les propriétaires, les inviter à faire les travaux nécessaires et les diriger vers les programmes d’aide financière quand ça s’applique», note la présidente du CCU.
La publication du nouveau registre du patrimoine bâti, plus tard ce printemps, permettra aussi aux inspecteurs de garder un œil plus attentif aux bâtiments ayant une valeur patrimoniale à conserver.

Un triste secteur du centre-ville de Gatineau bientôt transformé
Un triste tronçon des rues Kent et Laval où les maisons placardées se sont ajoutées les unes aux autres au cours des dernières années, à proximité du cœur ludique du centre-ville de Gatineau, pourrait bientôt faire l’objet d’un développement résidentiel de près d’une centaine de nouveaux logements.
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